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Lettre ouverte de la Chambre d'agriculture de la Haute-Garonne

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Les manifestations initiées dans le département ces derniers jours permettent de mettre en lumière la souffrance profondément ancrée dans la profession et nous amènent à dresser un bilan de notre agriculture haut-garonnaise.

Avec une superficie de 6 357 km2, la Haute-Garonne est le deuxième plus grand département de la région Occitanie et son agriculture garde une place importante d'un point de vue économique et social. Sa géographie est diverse avec des zones de plaine, de coteaux et de montagne. Du fait de son étendue, de la disparité des reliefs et de son climat, l'agriculture y est très diversifiée. Les 6 400 agriculteurs qui y travaillent ont su diversifier leurs productions en élevage et en productions végétales pour s'adapter aux évolutions de l'agriculture de ces dernières années.

Historiquement, l’irrigation est utilisée pour sécuriser les besoins alimentaires des animaux et des productions végétales à valeur ajoutée. Les surfaces irriguées (25 000 ha) sont en baisse de 50% sur les 10 dernières années et entraînent une baisse équivalente des productions animales et végétales avec de la valeur ajoutée.

Malgré une diminution de 50% des prélèvements d'eau par l’agriculture, l’augmentation des besoins s'est fait sentir à cause de l’accroissement de la population, à cela il faut ajouter une bétonisation galopante empêchant l’infiltration de près de 45 millions de m3 dans la nappe (selon les calculs de la Chambre d'agriculture sans la confirmation des services de l’Etat). En bref, la consommation d’eau en agriculture a baissé de 50% mais pas la consommation des autres secteurs non agricoles.

Avec le réchauffement climatique, chaque campagne est plus compliquée car nous avons le double effet, hausse des températures mais également le passage d’un climat océanique à méditerranéen. Si bien que c’est une diminution conséquente de l’irrigation de 30% à 20% des surfaces agricoles qui a été demandée aux irrigants en 2023 dans le but de limiter les consommations en prévision du manque d'eau. Cet effort a représenté une perte de 18 millions d’euros de production pour l’année 2023 pour les irrigants.

Sur les cultures sans irrigation, le potentiel pédoclimatique local ne permet pas des rendements comparables à ceux d'autres départements tels que le Centre ou le Nord de la France. À titre d'exemple, les rendements moyens en blé de la Haute-Garonne sont de 5t / ha alors qu'ils représentent le double dans les départements du Centre ou du Nord. 

À cela, il faut ajouter une topographie de terre en coteaux plutôt argileuse qui demande une consommation de carburant par hectare supérieure. Ces deux paramètres nourrissent un sentiment d’injustice fort chez les agriculteurs car cela représenterait un surcoût de 5€/T de blé quand pour un céréalier du Nord de la France cela ne serait qu’un surcoût de 1,5€/T. Concrètement pour une exploitation moyenne haut-garonnaise le surcoût du GNR en 2030 serait de 3300€ soit 1100€ de plus que pour un autre agriculteur français. Cette hausse représente plus de 50% du revenu.

En effet, malgré les efforts d'adaptation et de diversification, le revenu des agriculteurs du département est l’un des plus faibles de France avec une moyenne de 5 000€ / an et par exploitant malgré les aides PAC. A ces revenus déjà faibles, s’ajoute le fait que les agriculteurs n’ont par ailleurs pas de réserve de trésorerie.

La mise en place des nouvelles aides de la PAC en 2023 (avec une diminution des aides de l'éco-régime et des aides aux bovins viande notamment) a dégradé les revenus des agriculteurs, très dépendants des aides PAC.

L’élevage bovins riche de près de 1000 exploitations a été durement touché par la MHE avec, en deux mois, près de 60% des élevages concernés avec des disparités de gravité importante. À ce jour, 175 éleveurs sont dans le dispositif « réagir MHE » mis en place par la Chambre d’agriculture et qui permet d’accompagner les éleveurs les plus touchés.

À cela, même des filières considérées comme rémunératrices ont été victimes d’aléas climatiques avec notamment le mildiou qui a ravagé les vignes, mais également l’effondrement du prix du bio mettant en difficultés plusieurs centaines d’agriculteurs.

Nous souhaitons également souligner la difficulté et les complexités administratives liées au métier d'agriculteur, en raison des nombreuses règlementations qui s'appliquent à cette profession, et qui peuvent mener à des situations de fragilité. Et récemment, les agriculteurs ont reçu avec beaucoup de retard les aides de la PAC.

Ce contexte global se traduit par seulement 1 installation pour 3 départs en retraite, et le triste record de France de près de 20% de nos terres travaillées à 100% par des entreprises de travaux agricoles et non plus par les agriculteurs eux-mêmes. Si nous continuons dans cette direction c’est la fin de l’agriculture à taille humaine, c’est également la fin de la vie en milieu rural car dans une très large partie du territoire l’agriculture est de loin la principale activité économique.

Forte de ce constat, la profession agricole du département a adopté en février 2022 un projet agricole département (PAD) pour une agriculture plus performante, durable, humaine et ancrée dans son territoire qui fixe les priorités de l'activité agricole des dix prochaines années. Les enjeux de ce PAD sont importants pour notre agriculture car d'ci 2030, 50% des agriculteurs prendront leur retraite et le renouvellement des générations doit pouvoir être assuré pour garantir la production locale et le maintien de la ruralité.

La Chambre d’agriculture accompagne le développement de petites filières locales comme cela a été fait récemment pour le lait avec la «Brique rose» ou « l’opération Paille ». Cependant, ce travail doit être poursuivi de manière plus large, avec les acteurs du territoire pour développer d’autres filières locales (blé dur, engraissement de bovins, transformation, ...) ainsi que les circuits courts.

De même, dans un contexte de réchauffement climatique il faut garantir un accès à l'eau et le développement des énergies renouvelables sur les exploitations pour permettre un complément de revenu.

Ce projet ne peut se faire qu’avec les agriculteurs et un soutien fort des collectivités et de l’Etat, qu’il soit financier et surtout normatif et c’est principalement sur ce second point que se concentre beaucoup de problématiques.

Ces manifestations permettent de mettre en lumière notre agriculture et ses problèmes. La Chambre d’agriculture soutient depuis le début l’ensemble des manifestations actuelles et œuvre pour amener des éléments techniques sur l’ensemble des revendications. 

 

Sébastien Albouy, président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne

 

 

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