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Agrivoltaïsme : Lettre ouverte du Président de la Chambre d'agriculture de la Haute-Garonne

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Le modèle porté par la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne pour favoriser le partage de la valeur avec un maximum d’agriculteurs.

 

La Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne oeuvre depuis plusieurs mois en concertation avec la profession agricole, représentée au sein du Comité d’Orientation Nouvelles Energies, afin de garantir que la valeur générée par les projets agrivoltaïques reste sur le territoire. Pour accompagner et sécuriser cette démarche, la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne s’est entourée d’experts : l’Agence Régionale Energie Climat (AREC) Occitanie et le cabinet Ingenia Avocat.

 

Des objectifs de puissance photovoltaïque ambitieux à l’échelle nationale

L’ensemble du travail réalisé par la Chambre d’agriculture de la Haute- Garonne et ses experts repose sur l’analyse des objectifs nationaux de production énergétique. La  rogrammation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe un objectif de capacité photovoltaïque installée comprise entre 35,1 GW et 44 GW en 2028, soit plus de 40 000 ha qui seront  mpactés par des installations photovoltaïques en France métropolitaine. Rapporté à l’échelle départementale, cela équivaut à 400 ha en Haute-Garonne. Considérant qu’un parc photovoltaïque a une superficie moyenne de 20 ha, seuls 20 agriculteurs haut-garonnais bénéficieraient de compléments de revenus liés à la production d’énergie, alors que l’on compte plus de 5 000 agriculteurs dans le département. Réduire la taille des parcs à 10 ha permettrait de soutenir 40 agriculteurs, voire 400 agriculteurs avec des parcs de 1 ha, mais nous sommes encore loin de soutenir l’ensemble des agriculteurs.


Lors de son discours à Belfort le 10 février 2022, le Président de la République a fixé l’objectif d’une puissance d’au moins 100 GW de photovoltaïque en 2050, soit 100 000 ha à l’échelle nationale et 1 000 ha à l’échelle départementale. En reprenant le même raisonnement, 50 agriculteurs bénéficieraient de parcs moyens de 20 ha, 100 agriculteurs avec des parcs de 10 ha, voire 1 000 agriculteurs avec des installations de 1 ha. La Haute-Garonne étant l’un des départements les plus propices au développement du photovoltaïque, de par un ensoleillement important et le bassin de consommation majeur que représente la métropole toulousaine, nous pouvons prévoir un développement du photovoltaïque supérieur à la moyenne.


Un modèle actuel qui ne permet pas de maintenir la valeur sur le territoire

Les agriculteurs haut-garonnais qui ont été démarchés par des énergéticiens se sont vu proposer des loyers compris entre 2 000 € et 6 000 € par hectare. En moyenne, cela équivaut à un revenu annuel de 80 000 € pour un parc de 20 ha. Autrement dit, pour 20 projets de 20 ha en Haute-Garonne d’ici 2028, seuls 20 agriculteurs bénéficieraient
d’importants revenus liés à la production d’énergie, ce qui risquerait même de remettre en question le maintien de leur activité agricole.

Au-delà de ce constat alarmant, il faut prendre conscience du fait que la valeur générée par les installations photovoltaïques est encore bien supérieure et échappe aujourd’hui totalement aux agriculteurs et aux territoires. En effet, pour un parc de 20 ha, sur lequel des économies d’échelles ont pu être réalisées, en moyenne 4 000 € / ha sont versés à
l’agriculteur et les collectivités perçoivent 1 000 € / ha via les taxes qu’elles collectent. De plus, la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne pourra inciter l’énergéticien à verser 4 000 € / ha dans un fonds de partage de la valeur et réaliser une prestation de suivi agronomique à hauteur de 1 000 € / ha. Ceci étant, il reste encore 10 000 € / ha de dividendes qui sont récupérés par l’énergéticien. C’est bien cette part des bénéfices qu’il s’agit d’aller capter afin d’en maintenir le maximum sur le territoire ! Nous ne pouvons pas accepter que 70% de la valeur quitte le territoire et que la majorité soit réinvestie pour faire émerger des grappes de projets revendus aux énergéticiens français. Le modèle actuel vise à enrichir une extrême minorité d’agriculteurs, sans garantir qu’aucun « projet alibi » ne voie le jour, et dont la majorité de la valeur générée quittera le territoire sous forme de dividendes, parfois vers des paradis fiscaux.


Le modèle de la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne

Une autre voie existe ! La Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne mettra tout en oeuvre pour permettre à des projets agrivoltaïques raisonnés et respectueux des intérêts économiques du plus grand nombre d’agriculteurs de voir le jour sur son territoire. Cependant, à ce jour, peu de Chambres d’agriculture se sont lancées dans cette démarche. Sans le soutien de l’Etat, il n’y aura aucune maitrise des projets qui émergeront dans de nombreux départements et une perte de valeur considérable pour le territoire et les agriculteurs.

Le modèle que propose la Chambre d’agriculture de la Haute-Garonne, co-construit avec l’AREC et avec le soutien des banques, permettra l’émergence de projets collectifs de taille modérée et de petits projets individuels :

Situation 1 : il s’agit de faire émerger des parcs photovoltaïques de taille modérée, permettant de réaliser des économies d’échelle, dans lesquels les agriculteurs du territoire investissent en réalisant un emprunt bancaire. Dans ce modèle, un agriculteur qui investit 150 000 € sur 30 ans peut espérer gagner 450 000 €. Réparti sur les 30 années de vie du projet, l’agriculteur investisseur touchera en moyenne 15 000 € par an de compléments de revenus liés à la vente d’électricité, soit presque l’équivalent d’un SMIC. Dans le cas d’un parc agrivoltaïque de 15 ha, dans lequel 20 agriculteurs investiraient au capital, et qui serait à minima exploité par deux agriculteurs sur 7,5 ha chacun rémunérés à 2 000 €
l’hectare soit 15 000 € par an, nous aurions 22 agriculteurs qui toucheraient l’équivalent d’un SMIC annuel. Alors que le modèle actuel prévoit une rémunération de 60 000 € par an pour un seul agriculteur, celui que nous portons toucherait 20 fois plus d’agriculteurs pour une valeur totale maintenue sur le territoire près de 4 fois supérieure.

Situation 2 : il s’agit d’accompagner les agriculteurs dans l’émergence de projets individuels limités à 1MWc, soit 1 à 2 ha de parc agrivoltaïque, dans lesquels l’agriculteur détiendrait 100% du capital. Ces projets seraient certes moins rentables car ils ne bénéficieraient pas des économies d’échelle, mais permettraient tout de même à chaque
agriculteur porteur de projet de toucher l’équivalent d’un SMIC annuel pendant 30 ans en investissant 150 000 €.


Un nouveau modèle à porter à l’échelle nationale

J’émets un rêve que dans le Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOA) figure le partage de la valeur des installations agrivoltaïques, et a minima une doctrine juridiquement applicable pour garantir une répartition de ces richesses parmi un maximum d’agriculteurs et surtout de voir enfin naître des projets portés par le territoire pour le territoire.

Je n’évoque pas ici l’aspect de la production agricole sous les panneaux photovoltaïques, car de nombreux experts travaillent déjà sur le sujet et nous suivrons leurs recommandations. Pour moi, il s’agit de la part émergée de l’iceberg, qui est au coeur de nombreux débats, occultant des enjeux économiques bien plus impactants.

 

Sébastien ALBOUY, Président

 

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